Instagram a tué la photo de paysage ? Non, mais presque.
- julien delaval

- 15 mai
- 3 min de lecture
Je suis là, en 2025, à faire défiler mon fil Instagram.
Entre deux photos, une pub me propose un robot IA pour générer mon prochain paysage. Une autre vend une méthode miracle pour doubler ma visibilité.
Et entre les deux, quelques visages figés, des poses copiées-collées, des “moi ici”, “moi là-bas”, des leggings placés à la perfection sur la règle des tiers.
Ça me donne envie de fermer l’application.
Mais je reste. Parce qu’il y a encore des photographes que j’admire. Parce qu’il y a encore, parfois, une image sincère. Mais je me pose cette question toute simple : pour qui fait-on nos photos ?

Le poison du like : fausse reconnaissance et vraie confusion
On ne va pas se mentir. Le like fait plaisir. Un petit cœur, un commentaire gentil, une image qui fonctionne : on se dit qu’on a bien bossé.
Mais c’est là que la confusion commence. Car très vite, on prend ce signal pour une vérité.
Tu classes tes meilleures images par nombre de likes ? Erreur.
Ce n’est pas un classement photographique. C’est un classement esthétique de surface.
Parce que sur un écran de téléphone, c’est l’image la plus saturée, la plus processée, la plus “pop” qui s’en sortira toujours mieux.
Et ce n’est pas parce qu’une photo a touché quelqu’un. C’est souvent juste parce qu’elle a accroché l’œil une demi-seconde de plus.
Un musée, pas un carrousel
Imagine. Tu vas dans un musée. Tu regardes chaque tableau pendant une demi-seconde. Tu fais un petit “buzz” avec la bouche si tu aimes, et tu passes au suivant.
Absurde ?
C’est pourtant ce qu’on fait tous les jours avec les images.
Mais une photographie, surtout une photographie de paysage, demande plus.
Elle se regarde lentement. Elle se vit. Elle se lit. Elle s’interprète.
Et ça, ça ne colle pas avec l’algorithme.
L’instagrameur tourné dos au monde
Et puis il y a l’autre travers, devenu un spectacle à lui tout seul :
L’instagrameur et l’instagrameuse de voyage. Ceux qui arrivent sur un spot, qui ne regardent même pas autour d’eux si éventuellement ils sont dans ton champs. Ils se placent, dos au paysage, et sortent leur plus belle pose figée.
Pas un regard vers l’horizon. Pas un silence. Pas une écoute.
Seulement : moi à côté de la cascade. Moi devant les falaises. Moi en Islande. Moi en Afrique. Moi, moi, moi.
On n’a pas 4 ans. Les Martine ont fait leur temps.
Et pourtant, ces gens trustent les feed sans même qu'on les suive. Ils sont partout. Ils imposent une idée vide du voyage et de l’image.
Et ça étouffe ceux qui, en toute humilité, essaient simplement de faire passer une émotion.
De témoigner d’un instant sincère, d’une lumière fragile, d’un morceau de nature qui ne demande rien.
Faire une image pour soi, ou pour les autres ?
On cherche tous, secrètement, une forme de reconnaissance. C’est humain.
Mais on oublie vite que la seule image qui compte vraiment, c’est celle qui a du sens pour nous.
Celle qu’on a faite parce qu’on l’a vécue. Pas pour qu’elle buzze.
C’est très bien si on veut faire passer une émotion. C’est même essentiel.
Mais il ne faut jamais oublier que cette émotion n’existe que parce qu’on l’a d’abord ressentie.
Quand l’image devient un business, la question ne se pose plus. Ou si.
Si votre compte Instagram est un business, alors oui, il faut jouer avec les codes.
Il faut publier à certaines heures, suivre les tendances, comprendre les algorithmes.
C’est une vitrine. Il faut vivre avec son temps. Très bien.
Mais il y a un glissement dangereux quand on commence à tout mesurer avec cette logique-là.
Quand on pense que ce qui est populaire est nécessairement ce qui est bon.
Et qu’on commence à douter de ses propres images parce qu’elles n’ont pas “performé”.
Non. Ce n’est pas comme ça que ça marche.
Aujourd’hui, mon feed est un bordel. Pourquoi je reste ?
Mon feed Instagram aujourd’hui, c’est du grand n’importe quoi.
Des IA, des pubs, des reels de 5 secondes, des vidéos qui explosent pour des raisons que personne ne comprend.
Mais au milieu, parfois, une photo. Une vraie. Un photographe. Un regard.
Et c’est pour ça que je reste.
Je reste pour ces images-là.
Je reste pour ceux qui regardent vraiment. Qui photographient en silence. Qui s’en foutent du reste.
Votre image ne vaut pas pour ce qu’elle rapporte. Elle vaut pour ce qu’elle est.
Je vais être clair :
Faites vos photos pour vous. Parce que vous étiez là. Parce que vous avez vu, ressenti, tremblé, attendu.
Faites-les pour dire quelque chose de simple, d’humain, de fragile.
Pas pour être validé. Pas pour plaire à un algorithme. Pas pour devenir influenceur.
Et surtout : n’enterrez jamais une image que vous aimez juste parce qu’elle a fait moins de likes.
Parce que parfois, les images les plus silencieuses sont aussi les plus vraies.




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